Gilles Bertin, l’ex-chanteur punk devenu braqueur, veut solder son passé


Près de trente ans après un braquage retentissant et une longue cavale, Gilles Bertin, ex-leader du groupe Camera Silens s’est rendu à la justice pour être jugé ce mercredi à Toulouse (Haute-Garonne).




« Cet homme veut redevenir libre avec sa conscience mais, surtout, il veut cesser de mentir sur son passé pour que son fils ait un avenir », confie Christian Etelin, avocat de Gilles Bertin. Gilles Bertin ? Un nom qui ne dit presque rien… sauf à ceux qui ont connu les grandes heures de la musique punk au début des années 1980. Gilles Bertin était le chanteur du groupe Camera Silens, un artiste à la dérive, qui a versé dans le banditisme puis s’est évaporé dans une cavale de près de trente ans.


Aujourd’hui âgé de 56 ans, il est jugé ce mercredi par la cour d’assises de Haute-Garonne pour le braquage de la Brink’s, en 1988 à Toulouse. Il s’est rendu de lui-même à la justice il y a deux ans, voulant solder définitivement un passé devenu trop lourd. Un procès hors norme pour cet homme repenti, le seul parmi la dizaine de malfaiteurs qui ont participé ce jour-là à ce braquage à avoir échappé à la justice. Après 28 ans de cavale au Portugal puis en Espagne, Gilles Bertin prend son passé à bras-le-corps.


11,7 millions de francs de butin sans coup de feu

A l’époque, ce braquage avait défrayé la chronique : les malfaiteurs, une improbable équipe mêlant anarchistes, punks, toxicomanes et musiciens, avaient kidnappé le 26 avril 1988 à leur domicile les convoyeurs chargés des premières tournées du matin. Les voleurs, dont certains déguisés en gendarmes, se sont fait ouvrir les coffres de la société de transport de fonds pour partir avec le butin en billets de banque, soit 11,7 millions de francs (soit environ 2,8 millions d’euros).

Gilles Bertin en 1988. /AFP/Georges GOBET


Un casse ingénieux sans coup de feu tiré. Après six mois d’enquête, neuf hommes et cinq femmes sont interpellés. 150 000 francs (près de 37 000 euros) du butin sont retrouvés en perquisitions. Un procès a lieu en 2004, la plupart des accusés sont condamnés à des peines avec sursis, les principaux auteurs du braquage sont morts ou en cavale.


«Il veut que son enfant grandisse dans la vérité»

Parmi ces absents, Gilles Bertin, qui a fui à LLoret-del-Mar, cité balnéaire espagnole, puis à Lisbonne (Portugal). Avec sa part de butin, il ouvre une boutique de disques et refait sa vie, loin de la délinquance. Ses années punk ont pourtant laissé des traces : en 1995 il apprend qu’il est atteint du VIH et débute un traitement de trithérapie. Mais la vie est plus forte, il a un fils de sa compagne avec laquelle il reprend un café en Espagne. Une vie enfin rangée, mais clandestine, sous une fausse identité.


C’est en 2016 qu’il se décide à solder les comptes. Il franchit les Pyrénées à pied, avec pour seul bagage un sac à dos. Arrivé en Cerdagne, il prend un train pour Toulouse et se livre directement à la justice. « Il a décidé d’affronter le passé d’il y a trente ans et qui lui pèse, souligne Me Christian Etelin. Il veut que son enfant de six ans grandisse dans la vérité, afin de pouvoir lui parler de sa vie, de son histoire, de son grand-père. Il est maintenant un homme rangé depuis longtemps, qui vit sans histoire. Avec ce procès, il met sa liberté en jeu mais il veut régler ses comptes avec la société, se montrer responsable de ses actes ».


Il encourt vingt ans de réclusion

C’est en homme libre que l’ex-braqueur se présentera devant les jurés de la cour d’assises. Lors de sa reddition, la justice l’a placé sous contrôle judiciaire quand lui se voyait déjà dormir en prison. Condamné en 2004 à dix ans de prison par défaut, l’ancien punk encourt cette fois vingt ans de réclusion. « Il craint évidemment la réaction des jurés, il sait qu’il peut être condamné à de la prison, conclut son conseil. Mais je ne crois pas qu’une peine, tant de temps après, ait une réelle signification, car il a vraiment tourné le dos à la délinquance ».


Pour Martine Esparbié-Catala, qui a défendu en 2004 un couple séquestré par la bande de braqueurs, « le temps a passé et le traumatisme de mes clients s’est un peu apaisé lors du procès il y a quatorze ans. Ils ne veulent pas revivre une nouvelle fois ces moments douloureux et ne se sont donc pas constitués partie civile pour ce nouveau procès ». Le verdict est attendu mercredi soir.






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